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Exclusif – Guinée : l’histoire secrète de la chute d’Alpha Condé, par François Soudan

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Comment le président guinéen a-t-il pu être si facilement capturé ? Pourquoi avait-il ignoré les mises en garde contre Mamady Doumbouya ? D’où vient vraiment le nouveau maître de Conakry ? Plongée dans les coulisses du coup d’État.

  • Pourquoi Alpha Condé a-t-il été capturé aussi facilement ?

Le palais présidentiel de Sékhoutouréya, sur la presqu’île de Kaloum, à Conakry, était en principe entouré par un triple cordon de sécurité tenu par des éléments du Bataillon autonome de sécurité présidentiel (BASP), basés au camp Makambo, dans le quartier Boulbinet, à une poignée de kilomètres de là. Mais en ce début de matinée du dimanche 5 septembre, les petits détachements de bérets rouges qui gèrent les trois checkpoints disposés le long de l’avenue qui mène jusqu’à la grille d’entrée du palais sommeillent encore.

Les soldats du BASP sont des fidèles du président – certains d’entre eux proviennent des rangs du service d’ordre du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir) – mais ils ne disposent ni de la formation ni de l’armement qui conviennent. Le général français Bruno Clément-Bollée, qui a beaucoup œuvré à la restructuration de l’armée guinéenne demandée par Alpha Condé, estime que Sékhoutouréya était « l’un des palais les plus mal gardés d’Afrique de l’Ouest ». Si on le compare avec le dispositif de protection du palais du Plateau à Abidjan, « c’est le jour et la nuit », ajoute-t-il.

C’EST AU PREMIER ÉTAGE, OÙ IL VIT SEUL, QU’ALPHA CONDÉ SERA PRIS

Venu de sa base de Kaleya à Forécariah, en Basse-Guinée, à 85 km de là, à la tête d’une colonne d’une cinquantaine de camions et de pick-up armés de mitrailleuses 12,7 mm, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya fonce droit sur Kaloum, où il fait son entrée aux alentours de 8h du matin. Il a engagé dans l’aventure la quasi-totalité du Groupement des forces spéciales (GFS), soit 500 hommes environ, dont une partie, lourdement armée, prend position devant le camp Makambo pour bloquer toute sortie des renforts de la Garde présidentielle, tandis que l’autre, dont l’unité spéciale 8602 entraînée par les Français et les Israéliens, se dirige sur Sékhoutouréya avec l’appui-feu d’un blindé et de plusieurs mortiers.

Rentré quelques jours plus tôt de Sardaigne (un séjour qui, il convient de le préciser, n’avait rien de médical), où il s’est rendu à l’invitation de son ami l’entrepreneur italo-érythréen Makonnen Asmaron, avec qui il a préparé la visite officielle à Conakry du président Isaias Afwerki prévue pour le 9 septembre, Alpha Condé, insomniaque notoire, a fini par s’endormir aux premières lueurs de l’aube.

Dans ce palais glacé construit par les Chinois à l’époque de Lansana Conté, cet homme de 83 ans vit seul. La Première dame, Djene Kaba, habite une autre résidence et son unique enfant, Mohamed, vit à San José, au Costa Rica. Au rez-de-chaussée et devant la baie vitrée qui sert de porte d’entrée, cinq ou six gardes du corps en civil tout au plus. À l’étage, son bureau et sa chambre. C’est là que le lieutenant-colonel Mamadou Alpha Kaloko, chef de corps du BASP, qui s’est précipité à Sékhoutouréya avec une poignée d’hommes dès les premiers coups de feu, vient le trouver pour l’informer de la situation. C’est là aussi qu’il sera pris.

À l’extérieur, l’affrontement est bref mais meurtrier. Selon nos informations, une vingtaine de gardes présidentiels sont tués, dont le colonel Yemoiba Camara, commandant de la protection rapprochée du chef de l’État, ainsi qu’au moins deux membres du GFS. Guidés par un transfuge du BASP habitué des lieux, les putschistes font exploser la baie vitrée et se ruent dans l’escalier qui mène au premier étage.

ILS LUI PASSENT DES MENOTTES APRÈS L’AVOIR MENACÉ : « SI VOUS BOUGEZ, ON TIRE ! »

Ils plaquent Kaloko au sol, s’emparent du président, à qui ils passent des menottes après l’avoir menacé (« Si vous bougez, on tire ! »), puis le font descendre dans un salon du rez-de-chaussée où ils le filment et le photographient, à la fois sonné, désemparé et tout de colère contenue. Ces images, qui rappellent celles du couple Gbagbo hagard lors de sa capture en avril 2011, feront le tour du monde, tout comme celles, passablement dégradantes, d’un Alpha Condé exhibé par ses tombeurs à l’arrière d’un 4×4 roulant toutes vitres ouvertes à travers les rues de Conakry.

Pendant ce temps, si l’on en croit un témoin qui a pu se rendre sur les lieux après les faits, le palais aurait été entièrement « visité » par les hommes de Doumbouya et nul doute que les sacs de cash qu’à l’instar de la plupart de ses homologues du continent Alpha Condé conservait dans sa chambre et son bureau n’ont pas dû échapper à leur convoitise. Un peu partout dans la capitale, mais particulièrement dans les quartiers acquis à l’opposition, des scènes de liesse succèdent à l’apparition des premières photos sur les téléphones portables. Avec leur corollaire prévisible : le ministère de la Communication, les sièges de la Radio rurale, du journal gouvernemental Horoya et du désormais ex-parti au pouvoir, le RPG, ainsi que celui de la commission électorale sont attaqués et souvent vandalisés.

L’espace de quelques heures, ce dimanche 5 septembre, le ministre de la Défense, Mohamed Diané, un très proche d’Alpha Condé, a cru en la possibilité d’une contre-attaque et d’une reprise du pouvoir grâce aux régiments – présumés fidèles – de l’armée de terre, des parachutistes et de la gendarmerie. Mais l’arrestation du président et la diffusion immédiate des images sur les réseaux sociaux, stratégie 3.0 manifestement réfléchie à l’avance, a pris de court et comme tétanisé la haute hiérarchie militaire. L’un après l’autre, les camps de Conakry puis de l’intérieur du pays se sont ralliés au coup d’État – et cela avec d’autant plus de facilité que Mamady Doumbouya est un Malinké de Kankan, de la même ethnie que le président, que son ministre de la Défense et que la plupart des hauts gradés de l’armée. La ligne de clivage communautaire n’a donc joué aucun rôle.

  • Pourquoi Alpha Condé a-t-il jusqu’au bout fait confiance à Mamady Doumbouya ?

Même s’il s’est toujours méfié des militaires guinéens – qu’il a combattu pendant vingt-cinq ans au péril de sa vie et au nom de la démocratie – Alpha Condé était persuadé que son armée, réformée et professionnalisée pendant ses deux premiers mandats, était pour l’essentiel devenue républicaine au sens strict du terme. « Je peux être tué par l’armée, mais elle ne peut pas me renverser », répétait-il.

Prudent, il a toujours évité d’affronter les officiers supérieurs dont son fidèle Mohamed Diané lui signalait le comportement problématique, préférant les éloigner. Considérés comme des putschistes en puissance, les généraux Edouard Théa et surtout Aboubacar Sidiki Camara, alias « Idi Amin », ont ainsi été envoyés comme ambassadeurs, le premier en Angola et le second à Cuba en janvier 2019.

Ce mélange de certitude et de mansuétude est directement à l’origine de l’erreur de jugement, voire du quasi aveuglement d’Alpha Condé à l’égard de Mamady Doumbouya. Introduit en 2012 par le général de gendarmerie « Idi Amin », à l’époque directeur de cabinet du ministre de la Défense, qui semble être son mentor (sans que l’on sache depuis quand ils se connaissent) et le recommande, Doumbouya rencontre tout d’abord l’ambassadeur de Guinée à Paris, Amara Camara, à qui il affirme vouloir se mettre au service de son pays, avant d’être affecté à un poste d’instructeur au sein du BASP, puis d’être reçu par le président lui-même à Conakry.

PENDANT DES MOIS, LE PRÉSIDENT IGNORE LES « NOTES BLANCHES » DE SES SERVICES DE RENSEIGNEMENT SUR Mohamed Doumbouya

Ce gaillard de 37 ans au CV opérationnel impeccable – Légion étrangère française, opérations extérieures en Afghanistan et en Côte d’Ivoire, stages commando en Israël, au Gabon et au Sénégal – plaît immédiatement à un président qui n’aime rien tant que de jeter son dévolu sur un nouveau talent, quitte à tout faire pour le séduire, quitte aussi à s’en mordre les doigts parce qu’il aura refusé jusqu’au bout de se déjuger. Et puis, ce sous-officier sociable et respectueux, marié à une française, est un Malinké comme lui, un enfant de Kankan. Pourquoi ne pas lui faire confiance ?

Entiché de sa trouvaille, Alpha Condé envoie Doumbouya suivre en accéléré des cours à l’École de guerre de Paris. Il a un projet précis : cette force spéciale en voie de constitution et destinée à sécuriser les frontières nord de la Guinée contre les incursions jihadistes, c’est à l’ancien légionnaire qu’il veut la confier.

De retour à Conakry, Mamady Doumbouya bénéficie d’une ascension météoritique. Capitaine, commandant puis lieutenant-colonel en l’espace de deux ans. Le 2 octobre 2018, quand les hommes du GFS défilent encagoulés dans le stade du 28 septembre lors du soixantième anniversaire de l’indépendance, à la cadence ultra lente des forces spéciales (28 pas par minute), les Guinéens sont admiratifs et Alpha Condé ne cache pas sa fierté lorsque l’un de ses invités, le président congolais Denis Sassou Nguesso, ancien officier parachutiste, se penche à son oreille et lui murmure : « Tu as tout ça ? » Condé partage aussitôt les images du spectacle à ses amis depuis ses quatre ou cinq téléphones portables. Quelques jours plus tard, sur un plateau de la télévision guinéenne, il s’exclame en riant : « Vous les avez vus ? Toutes les femmes sont tombées amoureuses de Doumbouya.

Malheureusement pour elles, il est déjà marié ! »

Dès lors, comment s’étonner si, pendant des mois, le président préfère ignorer les « notes blanches » de ses services de renseignement, lesquels lui rapportent les propos présumés de cet officier très populaire au sein de sa troupe. Certaines de ces fiches sont anecdotiques : on l’aurait entendu se plaindre dans un supermarché de la piètre qualité des vins importés. D’autres sont plus inquiétantes, quand elles relatent des phrases critiques sur la gouvernance, tenues par l’intéressé dans un établissement de Conakry habituellement fréquenté par les membres du contingent guinéen de la Minusma au Mali lors de leurs séjours en permission, ainsi que le dédain affiché par le chef des forces spéciales pour les capacités opérationnelles de l’armée « ordinaire ». Toutes pointent sa filiation avec le général « Idi Amin », tenu en haute suspicion dans son exil diplomatique cubain, ainsi que le risque de voir le GFS devenir l’unité la mieux armée des forces de défense.

TOUS LES INITIÉS S’INTERROGEAIENT SUR LES INTENTIONS DES FORCES SPÉCIALES ET DE LEUR CAPORAL CHEF

À partir d’avril 2020, la mésentente entre le lieutenant-colonel Doumbouya et Mohamed Diané alimente les rumeurs de la presse. À l’approche de l’élection présidentielle, dans un climat particulièrement tendu, le premier refuse la délocalisation prévue de la base des Forces spéciales de Conakry à Kaleya, non loin de Forécariah. Il exige que son unité demeure dans la capitale, afin, dit-il, d’être en mesure d’y sécuriser le scrutin. Diané, qui trouve cette insistance suspecte, demande au président de trancher. Alpha Condé accepte la délocalisation, mais concède à Doumbouya le maintien d’une antenne des forces spéciales à Kaloum, proche du jardin du 12 octobre et du Palais du peuple. Ironie du sort, c’est là où, selon nos informations, il serait aujourd’hui détenu.

Le chef de l’État se laisse également convaincre de la nécessité de renforcer sa garde personnelle. Début 2021, une centaine de jeunes sont envoyés en formation au camp de Soronkoni près de Kankan, sous la houlette d’instructeurs turcs envoyés par son ami le président Erdogan. Mais il se refuse encore à écarter Doumbouya, incapable d’imaginer que ce dernier puisse tenter quoi que ce soit contre celui à qui l’ancien caporal-chef de la Légion doit ses cinq galons de lieutenant-colonel.

De passage à Conakry il y a moins de deux mois, Bruno Clément-Bollée parle de l’atmosphère étrange qui y régnait : « Je n’avais jamais vu le climat politique aussi calme, aussi atone. Et en même temps, tous les initiés s’interrogeaient sur les intentions des forces spéciales et de leur chef. »

  • Pourquoi la chute d’Alpha Condé a laissé les chefs d’État (presque) indifférents ?

En dehors des condamnations de principe de la communauté internationale et de l’inquiétude sur son sort exprimée par les présidents ivoirien, togolais, congolais, ou par son ancien camarade de l’Internationale socialiste Antonio Gutteres, nul n’a exigé explicitement le retour immédiat de l’ordre constitutionnel et celui d’Alpha Condé au pouvoir. Si les médias francophones ont « couvert » l’évènement, leurs homologues anglophones se sont avant tout intéressés au décuplement consécutif du prix de la bauxite, dont la Guinée est le premier producteur mondial.

C’est que, dans la région et ailleurs, ce panafricain complexe au caractère difficile n’avait guère d’amis – ou en tous cas trop lointains pour intervenir. Qu’auraient pu faire pour lui l’Angolais Lourenço, le Sud-africain Ramaphosa ou l’Érythréen Afwerki ? En quoi le Turc Erdogan, le Chinois Xi Jinping ou le Russe Poutine pouvaient s’opposer au coup d’État ? Sans parler du Français Emmanuel Macron, avec qui il était en froid depuis que ce dernier avait critiqué son troisième mandat.

LE PRÉSIDENT AVAIT FINI PAR TOUT CONCENTRER ENTRE SES MAINS, NE FAISANT CONFIANCE QU’À LUI-MÊME

À ce relatif isolement s’ajoutaient tous les défauts d’une gouvernance solitaire. Cet adepte du micro-management avait fini par tout concentrer entre ses mains, écoutant peu et contrôlant tout, ne faisant en réalité confiance qu’à lui-même, obsédé par le devenir d’une Guinée qu’il avait chevillée au corps et dont il emportait la terre à la semelle de ses chaussures à chacun de ses déplacements hors de son pays.

Sous les eaux dormantes décrites par Clément-Bollée, des courants s’agitaient et la tension était vive à l’intérieur même du camp au pouvoir. La rupture entre Alpha Condé et son Premier Ministre, le très ambitieux Kassory Fofana, était ainsi donnée pour imminente. Quant aux chefs de l’armée et de la gendarmerie, les généraux Namory Traoré et Ibrahima Baldé, dont le silence et l’inaction lors du coup d’État pose question, ils ne cachaient pas leur mécontentement face aux mesures d’austérité budgétaire affectant l’état-major, exigeant notamment le renouvellement de leurs véhicules de fonction.

Conscient de cette grogne, Alpha Condé s’était promis d’y remédier. Le 4 septembre au soir, veille du putsch, lors d’un dîner pris avec quelques invités étrangers à Sékhoutouréya, entre une explication de son programme de logements pour tous et une dissertation sur sa vision de la Guinée, « deuxième économie de l’Afrique de l’Ouest à l’horizon 2030 », le président avait eu cette phrase : « Je vais desserrer le budget de l’armée, inutile de se créer des problèmes ». Ce qu’il ignorait c’est qu’à ce moment-là, des éléments précurseurs de Mamady Doumbouya avaient déjà pris position aux alentours et au sein même de l’hôtel Kaloum, vaste complexe quatre étoiles construit par les Chinois et inauguré en octobre 2018, à quelques centaines de mètres du palais.

Le lieutenant-colonel Doumbouya a-t-il agi parce qu’il sentait l’étau se resserrer autour de lui ? Et surtout, a-t-il agi seul ou sous influence ? 

Dans un pays encore très fortement marqué par les appartenances communautaires, le fait qu’il soit Malinké, comme 90 % de ses hommes, explique en partie l’absence de réaction des partisans d’Alpha Condé et de son parti. C’est le troisième coup d’État réussi dans l’histoire de la Guinée après ceux de Lansana Conté et de Moussa Dadis Camara. Comme à chaque fois, les prisons s’ouvrent et la foule applaudit.

LES MILITAIRES GUINÉENS AU POUVOIR SE SONT TOUJOURS SERVIS AU LIEU DE SERVIR

Reste à connaître la suite qui, comme on le sait, a souvent tendance à se solder par un désastre politique et économique tant il est évident que les militaires guinéens au pouvoir se sont toujours servis au lieu de servir. Quant à Alpha Condé, dont c’est là la deuxième arrestation par l’armée après celle de 1998, qui lui valut de croupir deux années et demi en prison, son avenir s’écrit en pointillés.

Si l’on attend du nouvel homme fort de Conakry qu’il garantisse au minimum son intégrité physique, l’option de l’exil n’est pas encore ouverte. Où irait-il, d’ailleurs, ce vieux lutteur qui ne possède pour tout bien à l’étranger qu’un petit appartement place d’Italie à Paris, acquis alors qu’il était encore opposant ? Là où il est détenu aujourd’hui, on l’imagine à la fois profondément blessé dans son orgueil, anéanti par les trahisons et déterminé à maintenir à flot cette forme de dignité cassante et autoritaire qui lui a toujours servi de boussole, quitte à ce que cette dernière le mène dans une impasse. Le temps de l’autocritique viendra plus tard.

Source : Jeune Afrique 

Lettre Ouverte

Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Industrie et des PME

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Objet : Réflexions et propositions suite à la fermeture de 1 724 unités industrielles

Madame la Ministre,

Permettez-moi tout d’abord de saluer la rigueur avec laquelle votre Ministère s’emploie à réorganiser et réguler l’environnement industriel Guinéen. La mise en conformité des activités économiques, notamment dans les secteurs sensibles comme la production d’eau, est une démarche nécessaire, légitime et attendue depuis longtemps.

Cela dit, la décision de fermeture de 1 724 unités industrielles, annoncée le 17 juillet dernier, appelle une réflexion collective sur les modalités d’application et les conséquences immédiates. Ces unités, bien qu’imparfaites sur le plan réglementaire et environnemental, jouent un rôle crucial dans le tissu économique et social Guinéen.

En moyenne, si nous prenons cinq (5) emplois directs par unité, ce sont plus de 8 600 emplois qui disparaissent en une journée, sans compter les milliers d’emplois indirects dans les filières connexes : fournisseurs d’emballages, transport, commerce de proximité etc.

Au-delà des chiffres, il y a les visages. Celui des jeunes entrepreneurs qui ont investi leurs économies dans des petites unités de traitement. celui des femmes dans les marchés qui vendent, chaque jour, des sachets d’eau pour nourrir leurs enfants. Ces récits sont nombreux. Derrière chaque fermeture, une chaîne de solidarité locale s’effondre.

Le secteur de la production d’eau, dans nos villes comme dans nos campagnes, comble aujourd’hui des insuffisances structurelles. En l’absence de réseaux publics performants, ces unités assurent, de fait, un service vital et approvisionnent chaque jour des milliers de foyers, notamment dans les zones périurbaines. Leur retrait soudain crée un vide fonctionnel, un risque de pénurie localisée, une hausse possible des prix et une perte brutale de revenus pour les ménages les plus modestes.

Or, réguler un secteur ne doit pas signifier l’éteindre. L’ambition de qualité ne saurait être atteinte durablement sans accompagnement, ni cadre progressif de transition.

C’est pourquoi je plaide pour une transition stratégique, juste et inclusive. Pour une approche alternative, plus progressive, s’appuyant sur les mécanismes structurés de développement du secteur privé.

À court terme, un programme national de mise en conformité industrielle, motivé par la volonté d’accompagner un secteur privé fragile vers une transformation profonde et adossé aux ressources du programme Simandou 2040, pourrait être lancé. Ce programme serait structuré autour de trois piliers :

  1. Un référentiel qualité adapté aux micro-unités, co-construit entre les ministères de l’Industrie, de la Santé et de l’Environnement, pour classer les unités selon leur niveau de risque et leur potentiel de mise aux normes. Ce référentiel pourrait faire l’objet d’un arrêté ministériel partagé, permettant aux unités viables d’engager un parcours de régularisation et surtout de les classer en trois catégories : à régulariser, à accompagner, à fermer définitivement sur base de critères objectifs.
  2. Un accompagnement ciblé piloté par le Ministère de l’industrie et des PME, avec appui des acteurs de l’écosystème entrepreneurial qualifiés, afin de soutenir la mise aux normes des unités viables. L’objectif réaliste serait de sauvegarder 250 à 300 unités, représentant à elles seules plus de 1 500 emplois directs formalisables à court terme. Ces petites unités seront retenues de par leur potentiel de se conformer aux normes et de développement pour couvrir le marché national d’eau minérale.
  3. Une offre de reconversion vers d’autres filières industrielles ou agroalimentaires (jus, huiles, produits transformés), avec des incitations fiscales à la transformation locale et des mécanismes de soutien à l’investissement pour les autres unités exclus du secteur de l’eau.

Ce dispositif permettrait de transformer une mesure brutale en mécanisme de structuration. De réconcilier exigence publique et trajectoires entrepreneuriales. Et surtout, de bâtir un tissu industriel plus sain, sans sacrifier les dynamiques existantes ni les efforts consentis par des centaines de Guinéens entreprenants.

En tant qu’expert de l’accompagnement des PME et du développement d’écosystèmes entrepreneuriaux, engagé depuis plus de 15 ans sur le terrain, je suis convaincu qu’une telle transition est non seulement possible, mais souhaitable. L’État a aujourd’hui l’occasion de montrer que l’autorité peut être alliée à la justice économique, et que réguler n’est pas seulement fermer, mais aussi ouvrir des perspectives nouvelles.

Nous avons là une occasion historique de démontrer que l’État Guinéen sait conjuguer autorité et accompagnement, normes et justice sociale. Nous pouvons refonder notre industrie sans écraser ceux qui l’ont portée à bout de bras. Nous pouvons construire un système où la qualité devient une ambition partagée, parce qu’on a donné les moyens d’y accéder. Ne laissons pas cette crise devenir un traumatisme économique. Transformons-la en levier d’innovation, d’inclusion et de fierté nationale.

Refonder notre industrie, oui. Mais pas en sacrifiant ceux qui ont tenu debout, seuls, là où rien n’était prévu pour eux. Construisons un modèle où l’assainissement devient une chance. Un modèle où les réformes ne s’imposent pas contre, mais avec les forces vives de notre économie. Ce pays a soif d’ordre. Mais aussi de perspectives. Ne coupons pas l’eau à ceux qui, malgré tout, font circuler la vie.

Respectueusement

Danda DialloExpert de l’accompagnement des PME Et du développement d’écosystème entrepreneurial

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Conakry: Découverte macabre d’un nouveau-né abandonné à la décharge de Dar-es-Salam

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Une scène tragique a bouleversé les habitants de Dar-es-Salam situé dans la commune de Ratoma, ce mardi 15 juillet 2025. Un nouveau-né de sexe masculin a été retrouvé sans vie, abandonné dans des conditions déchirantes à la décharge du quartier.

Le bébé, encore enveloppé dans un pagne maculé de sang, portait tous les signes d’un accouchement récent. Son cordon ombilical n’avait même pas encore été coupé, confirmant qu’il venait tout juste de naître. Ce sont de jeunes habitants du quartier qui ont fait la macabre découverte avant d’alerter les autorités locales.

Informé des faits, le chef de quartier s’est rendu sur les lieux en compagnie d’autres jeunes du quartier pour constater l’horreur. Face à l’urgence et à l’état du corps, le nourrisson a été inhumé sur place.

Une enquête a immédiatement été ouverte par les autorités compétentes pour tenter d’identifier la mère de l’enfant et faire toute la lumière sur les circonstances de cet abandon dramatique.

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Conakry : Un étudiant emporté par les eaux de ruissellement à Demoudoula

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Le quartier Demoudoula, situé dans la commune de Ratoma à Conakry, a été le théâtre d’un drame dans la nuit du dimanche à lundi. Ayouba Donzo, 25 ans, étudiant en 2ᵉ année de Génie Informatique à l’Université Nongo Conakry (UNC), a tragiquement perdu la vie, emporté par les eaux de ruissellement.

Selon Mory Camara, cousin et colocataire de la victime, interrogé par nos confrères de RefletGuinée, le jeune étudiant s’était rendu à Demoudoula aux alentours de 23h00 pour rendre visite à un ami. Sur le chemin du retour, peu avant minuit, alors qu’il circulait à moto, il aurait été emporté par les eaux et aurait chuté dans un caniveau.

Les premières recherches menées par des membres de sa famille ont permis de retrouver sa moto vers 4h du matin dans un canal à Demoudoula. Le corps sans vie d’Ayouba Donzo a finalement été découvert non loin du pont de Nongo.

Ce drame relance, une fois de plus, la problématique de l’aménagement des voiries et du système de drainage à Conakry, où chaque saison des pluies fait malheureusement des victimes.

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