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Voyage en taxi-brousse (Alimou Sow)

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J’ai rompu une trêve de près d’une décennie en reprenant un taxi-brousse pour voyager. Pour aller chez moi, au village.

Un peu par contrainte compte tenu de l’urgence du voyage, beaucoup parce que la route ne se laisse pas rouler dessus par n’importe quel véhicule, surtout pas par une petite voiture citadine, au risque de la ramener en pièces détachées.

Décision difficile tant j’ai des souvenirs traumatisants de voyage en taxis “505”, ces increvables ânes de nos routes déglinguées.

Emprunter une Peugeot 505 sur les routes de Guinée, c’est vivre une expérience unique où la surcharge, les risques d’accident, la poussière ou la pluie, le foutage de gueule permanent, la soif, la fatigue, la chaleur, la douleur et les mauvaises odeurs se côtoient et forment un cocktail explosif.💥

Je passe sur les vomis en sac plastique qu’on balance par la fenêtre, à défaut de les déverser directement sur vos épaules quand les haut-le-cœur ne peuvent être contenus. Ce n’est pas systématique mais ça arrive. 🤮

Je cumule plus de 25 ans d’expérience en taxi-brousse sur divers trajets, la pire étant un voyage de 2012 où une Peugeot 505 de 7 places a convoyé, dans les conditions décrites précédemment, une colonie de 21 personnes de Labé à… Banjul, en Gambie !😱

Je vous vois écarquiller les yeux et dresser les oreilles d’incrédulité, pourtant je ne mens pas et n’exagère rien. Mais c’est une autre histoire…

Cette fois c’est différent. Je voyage avec un minimum de confort en rachetant une des deux places du siège-avant. Évolution notable puisqu’il arrive qu’on y installe jusqu’à trois adultes, le troisième s’asseyant à califourchon sur le rebord du levier de vitesse une jambe du côté chauffeur.

C’est dans ce triangle atypique que le conducteur passe les rapports de vitesse tout le long du voyage, obligeant le malheureux passager à s’écarter constamment. Une position qui a inspiré un nom vulgaire en Poular que je vous épargne ici pour ne pas transformer ces lignes en YouPorn. Passons !

Embarquement à l’aurore dans un quartier clair-obscur de la banlieue de Conakry. Le chauffeur, petit, la soixantaine, barbe poivre et sel, termine d’empiler et de bâcher les bagages sur le toit du véhicule. Il affiche une mine de déterré.

De fait, il n’a pas le nombre normal de passagers qu’un autre chauffeur lui aurait piqués. Donc pas beaucoup de bagages. Fatale diminution de ses recettes. Première poisse pour lui.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, on s’embarque donc à 6 au lieu de 9 personnes habituellement. Du jamais vu en termes de confort pour les passagers d’une 505. Le chauffeur jure de porter l’affaire auprès du Syndicat à son retour à Conakry. J’ai envie de dire Anawotagui.

L’intérieur du tacot dégage un parfum indéfinissable, mélange de poussière, de fumée, d’huile moteur, de graisse et de gasoil. Les fauteuils sont d’époque, c’est-à-dire de 1992, date d’arrêt de fabrication de la Peugeot 505.

En près de 30 ans, ils ont été témoins de plusieurs générations de paires de fesses à géométrie variable et de… pets stratifiés en plusieurs couches fossilisées. 😅

Un plafond de ferraille et un tableau de bord en état de mort clinique complètent le confort de l’habitacle. Mais l’essentiel est ailleurs : le moteur qui tourne et entraîne les quatre roues motrices.

Les portières en rade de la Peugeot se referment sur nous, cap sur Télimélé.

Je suis tout excité de découvrir le nouveau trajet Conakry-Téliméle qui passe désormais par Dubreka au lieu de Kindia à cause du barrage de Souapiti dont le lac artificiel a submergé une bonne portion de l’ancienne route. Le nouveau trajet est plus court et en meilleur état dit-on.

Petite halte à Koubia (Dubreka) pour le petit-déjeuner. Il n’est que 9H mais c’est riz-sauce au poulet « importé » au menu dans cette gargote. Le chauffeur déconseille à cause du poulet « importé », tout le monde se range derrière son avis d’expert et se rabat sur une omelette gorgée d’huile dans un café du coin. On pense que c’est plus sain. Je souris et me contente d’une petite bouteille d’eau pour stabiliser le morceau de pain pris tôt le matin à la maison.😉

On reprend la route, direction Souapiti à quelque 70 bornes de là. Une belle petite route asphaltée hérissée de checkpoints tenus par les forces de l’ordre. Sans doute pour sécuriser les barrages Souapiti et Kaleta situés sur le Konkouré qui sert de frontière naturelle entre Dubreka et Télimélé. A chaque fois, le chauffeur tend une main non vide pour voir la barrière s’abaisser. Pour les passagers, le défaut de pièce d’identité est sanctionné 10 000 GNF. C’est comme ça.

A mi-chemin, la 505 hurle sur une petite côte, le chauffeur se gare et soulève le capot. Son intuition est exacte : rupture du câble de l’accélérateur. Deuxième poisse ; mais sa sérénité est contagieuse. Il ouvre une grosse caisse en bois rangée dans le coffre. Un fatras de pièces détachées, la “Casse” de Madina en miniature. Il en sort un câble neuf et remplace celui rompu en moins de 20 minutes. On se remet en route.

A 5 km de Kaleta, virage à droite sur une piste caillouteuse qui grimpe. Sur la crête, surgit le gigantesque chantier du barrage de Souapiti. Une bête en béton haute de plusieurs dizaines de mètres coupe le lit du fleuve et tente de combler l’entaille faite sur la chaine de montagne. En contrebas de l’infrastructure, un grand pont rendu lilliputien par comparaison enjambe le Konkouré et relie Dubreka à Télimélé. La vue en plongée sur le vaste lac artificiel est imprenable. Je savoure.❤️

Après la traversée du pont, la piste ocre monte et longe la dorsale guinéenne, majestueuse chaîne de montagnes qui court sur une bonne partie du pays dessinant une raie granitique de la Basse Guinée au Foutah oriental.

Dans un paysage de canyons, de petites maisons similaires sont accrochées sur des collines aux versants abrupts. On m’explique que ce sont les villages reconstitués des déguerpis du barrage hydroélectrique. La vie y semble bien morne. 😕

La beauté du paysage ne m’empêche pas de suivre l’évolution de la 505. Sur une descente modérée, je sens le chauffeur à la peine pour freiner. Il y parvient au bout de plusieurs coups de frein nerveux. Nouvelle ouverture du capot.🤔

Cette fois c’est une durite qui se serait débranchée à cause des secousses. Celle qui emmène de l’air au système de freinage. De mon point de vue, on vient de frôler l’accident et probablement la mort, mais pour le chauffeur, habitué du trajet et aux risques, c’est un incident mineur. Il rebranche le tuyau, referme le capot, teste la résistance de la pédale de frein et c’est réparti.

Il est 13H, les secousses et la chaleur moite qui règne dans l’habitacle ont déjà dilué le petit-déjeuner et imposé le silence. Tout le monde est fatigué de critiquer encore et encore le deux poids deux mesures du goudron qui s’arrête de l’autre côté du fleuve « alors que Télimélé le mérite autant que Dubréka ». Quelqu’un se demande même si on aura le courant du barrage une fois disponible.

Nous prenons la pause déjeuner au lieu-dit Sougué-Lamban, un patelin enraciné au pied de la Dorsale dans un décor qui incite à bivouaquer. Mais on est là pour manger.

Une célèbre gargotière, jadis établie sur l’ancien tronçon Kindia-Télimélé, a emménagé ici. Elle vend du riz à la viande boucanée particulièrement prisée des routiers et des passagers. On lance la commande à l’exception d’une maman prise de nausée qui évite de manger pour ne pas vomir. La pauvre.

A la fin du repas, les avis sont unanimes : déception ! Nous avons eu, en effet, la malchance de tomber sur la sauce du fond de marmite agrémentée d’une main trop généreuse en sel. Seul bémol : les mangues et les bananes vendues surplace sont à la fois bon marché et délicieuses, on s’en régale avant de repartir.

Le soleil de mars frappe la terre avec le marteau de Tor. Un groupe de paysans devise sous une hutte en paille.

La piste couleur Foscao fait des virages en épingles se faufilant toujours entre la chaîne de montagnes à gauche et le fleuve, à droite. Les nouveaux villages des déguerpis s’enchaînent dans une enfilade en dents de scie.

A Kassery, la route s’engouffre dans un magnifique affleurement rocheux frôlant un bloc de plusieurs tonnes à droite. On débouche sur l’ancien tronçon Kindia-Télimélé, fin de la piste reprofilée. Le chauffeur annonce que c’est le début de l’enfer entre creux et bosses à faire cracher les poumons. 🙄

Dernière pause pour la prière de 14H dans une mosquée en bordure de route. L’eau de l’ablution est stockée dans d’énormes jarres de ciment. Comme le fond de marmite de la dame de Sougué-Lamban, l’eau est trouble au moment où on débarque. Alors que j’hésite de me rincer la bouche avec, plusieurs voyageurs arrivent et boivent de grandes lampées, se passant le même gobelet, avant de remplir les bouilloires plastiques et prendre leurs ablutions. Euye ! Corona et Ebola, allez vous faire foutre. 😅

On se remet en route et comme une preuve de l’affirmation inquiétante du conducteur sur l’état de la route, un pont de fortune se profile. Deux supports et des planches pas plus larges que le gabarit du taxi. Il faut donc positionner le véhicule au millimètre près pour traverser. Toute mauvaise manœuvre entraînerait la chute. Je fais confiance au chauffeur même si j’ai un doute sur sa vue. Ça passe. Ouf ! 😊

Nous voici devant le dernier obstacle à franchir avant d’arriver à Télimélé : les célèbres cols du mont Loubha. Nouvel incident signalé sur la voiture, crevaison de la roue avant. Troisième poisse. Toujours sur-équipé, le chauffeur branche une pompe automatique à la batterie et gonfle le pneu en un rien de temps. On monte.

A peine le dernier virage en épingle franchi, nouvel arrêt pour constater que le pneu est sérieusement endommagé. Il faut le remplacer. La « Casse de Madina » est de nouveau à terre.

Les femmes s’en vont se reposer à l’ombre des arbres, les hommes prêtent main forte au conducteur pour poser des cales, desserrer la roue et monter le cric. Tout se passe bien jusqu’au dernier écrou. Grippé et abimé la clé de roue ne peut pas le desserrer. Chacun apporte sa suggestion mais aucune solution viable. Blocage total. Quatrième poisse !😏

Que faire ? Un vieil homme sur une moto ralentit, s’enquiert et conseille d’utiliser une pellicule de tôle pour agripper l’écrou. Bonne idée mais où trouver ce morceau de tôle ? On cherche dans les alentours des canettes vides, cette fois les femmes sont mises à contribution. Pas de canettes vides. En zone rurale, elles sont vite ramassées et réutilisées comme unité de mesure des céréales. 🌏

La sérénité du chauffeur se mue en exaspération. Il parle très mal quelqu’un qui a le malheur de l’appeler au téléphone dans ces entrefaites. Le correspondant insiste, il décroche l’appel et fout le téléphone dans la poche pour punir le récalcitrant. 😀

Entre deux lamentations, je comprends la source de sa colère. La roue crevée est complètement foutue, or une roue de 505 est vendue jusqu’à 750 000 francs selon lui ! Ce qui est rare est cher. Soit, plus que la recette de son voyage lui qui se déplace déjà presque à moitié vide. Le pauvre. 😞

L’entraide étant la norme sur ces routes de l’impossible, un autre chauffeur arrive et nous prête sa clé de roue et aide à desserrer et monter le pneu secours. On peut repartir après trois-quarts d’heure de galère.

Voici le centre-ville de Télimélé qu’un petit serpent de bitume fend dans le sens de la longueur. La traversée est aussi rapide qu’une éjaculation précoce😅. Mais les toitures des maisons sont moins sales qu’il y a quatre ans. Le développement de la Guinée rurale se fait à doses homéopathiques….

Télimélé, Saré-Kali, Bolongo, Sogoroyah, autant de villages plus moins opulents où le béton et la tôle ont remplacé le banco et la paille grâce à l’effort des fils ressortissants. La modernité mange la tradition de l’habitat.🤔

Le disque du soleil est déjà rouge quand la 505 s’engage sur la piste qui serpente à travers les falaises dorées de Sogoroyah en direction de Brouwal Sounkin. Du calcaire affleure sur les parois rocheux, même si la craie nous vient de loin. C’est un autre débat…

Mon voyage s’achève à Pountougouré, chez moi, un peu après 20H au bout d’une journée typique de voyage en Peugeot 505 tel que j’en connais depuis des décennies. L’essentiel c’est d’arriver en un seul morceau. Dieu merci. Une nouvelle longue trêve s’impose. Mais j’ai aimé.❤️👌
FIN

Alimou Sow

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Kassory Fofana : « Ce n’est ni la vérité qui est recherchée, ni la justice qu’on a le souci de rendre dans cette cabale politico-judiciaire. » (Lettre ouverte)

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Chers compatriotes,

De mon lit de malade j’ai pris la décision de m’adresser à vous à travers cette lettre ouverte pour éclairer la lanterne de chacun, vous qui avez la faculté de discernement pour distinguer le vrai du faux. Je me suis résolu enfin à sortir de ma réserve volontaire et à briser mon long silence.

Il m’aurait plu de me livrer à cet effort d’explication nécessaire pour vous édifier devant la barre, comme il est de règle, lorsqu’on a maille à partir avec la justice. Mais, c’est peine perdue, parce que l’on n’est pas dans la situation où ce ne sont pas les faits, preuves à l’appui qui compte. Ce n’est ni la vérité qui est recherchée, ni la justice qu’on a le souci de rendre dans cette cabale politico-judiciaire. Des têtes doivent tomber dans la campagne de chasse aux sorcières ciblée et sélective en cours dans notre cher pays. Ce n’est plus un secret pour personne.

Les faits parlent d’eux-mêmes. A ce jour, j’ai bénéficié, de même que mes compagnons « d’infortune » de 4 ordonnances, au moins, de mise en liberté, restées lettres mortes. Les magistrats qui ont eu le courage de prendre ces décisions, malgré la difficulté pour eux d’appliquer la Loi et de dire le droit dans un climat d’intimidation et de pressions intempestives, ont subi comme moi et tant d’autres le fait du Prince, érigé en doctrine de Gouvernance.

Où est la justice tant clamée ?

Où est la boussole tant vantée ?

Où se trouve l’équité souhaitée par tous devant la loi ?

Avant d’en arriver là, je tiens à rappeler que nous avons été arrêtés, déportés à la maison centrale dans des conditions et circonstances qui n’ont rien à voir avec l’État de droit, les bonnes pratiques en matière de poursuites judiciaires, qui n’honorent pas la République, ne peuvent pas faire non plus la fierté d’aucun Guinéen. Pour moi, qui, 40 années durant, ai fréquenté l’État et fais carrière dans notre administration publique, j’éprouve un sentiment de gêne, de frustration et de honte aussi de savoir que la Guinée touche le fond, se trouve dans le creux de la vague au regard des droits de l’homme et des libertés individuelles.

Je l’ai signifié par écrit, sans équivoque, au procureur spécial de la CRIEF, Mr. Aly Touré, lorsqu’il m’avait demandé de commenter sa décision de me placer sous mandat de dépôt dans une procédure rocambolesque de flagrant délit. Je l’ai réitéré au Ministre de la Justice, Mr Alphonse Charles Wright quand il m’a rendu visite récemment à l’hôpital. Des hommes de Loi comme le Procureur spécial de la CRIEF, Aly Touré qui ont une maitrise plutôt approximative du droit et une moralité pour le moins douteuse enfreignent la Loi, bafouent les Droits de l’Homme allègrement, ne mesurent même pas le tort immense qu’ils causent au pays et ne se rendent pas comptent jusqu’où ils rabaissent les Guinéens et abiment l’image de la Guinée et de sa justice républicaine.

Je précise que je suis avec mes compagnons, à la maison centrale sans le moindre titre de détention en cours de validité. Je lance le défi à Mr. Le Procureur Spécial de montrer au peuple de Guinée auquel il aime souvent s’adresser à propos de la procédure nous concernant, la base légale de notre détention à date. Bientôt un an, nous sommes privés de liberté et jetés dans cet établissement pénitentiaire sans ménagement, dans l’illégalité absolue.

Voilà, maintenant, après ce chemin de croix et une cascade de violations des règles et procédures sacrées du Droit, qu’on annonce, dans une précipitation suspecte, une grande effervescence médiatique, un procès pour ce 15 mars courant. En d’autres temps, d’autres conditions, c’est une bonne nouvelle, car enfin nous avons l’occasion de nous expliquer devant l’opinion, devant Dieu et les Hommes pour prouver notre innocence, si évidente, laver notre honneur, souillé pour longtemps. De cause à effet, un procès organisé à la suite du tableau très sombre ainsi dévoilé n’a aucune chance d’être juste et équitable, parce qu’il n’est pas inspiré par la rigueur du droit et de la loi, mais, il est plutôt destiné à satisfaire l’orgueil d’avoir raison dans un dossier totalement vide. Derrière ce procès, il y a une volonté clairement exprimée de sauver la face dans un feuilleton qui n’a que trop duré et a fini par lasser et agacer toutes les bonnes consciences. Même les plus patients et indulgents d’entre nous, se montrent révoltés par une oppression ambiante.

Chers compatriotes,

Il faut savoir que l’ordonnance qui nous renvoie devant la juridiction de jugement ne comporte aucun grief retenu à mon encontre, discuté préalablement comme l’exige la loi pendant l’instruction ou évoqué avec mes conseils. Il s’agit de nouvelles accusations, sorties de nulle part, dont nous n’avons jamais eu connaissance auparavant, à aucune des étapes de la procédure, à aucune des phases de l’instruction des 9 derniers mois. Comment être jugé sur des pièces et des éléments gardés à la discrétion des seuls poursuivants, ignorés des accusés et des autres parties dans le procès ? Où est la transparence exigée par tous et pour tous ? Peut-on, ainsi parler de procès équitable, sans contradiction ?

On invoque des détournements de fonds publics. Malgré tout le temps écoulé, on est toujours au stade de soupçons vagues, de présomptions virtuelles, de suspicion hasardeuse, d’indices incertains, bref on baigne dans l’abstrait et le dilatoire. Aucun fait, aussi dérisoire qu’il puisse paraitre, n’est venu étayer l’accusation, aucune preuve, si mince qu’elle soit, n’a été brandie pour assoir la conviction des magistrats. Comme moyens de preuves, il n’y a aucun audit, aucun rapport d’audit produit, versé dans le dossier, résultant de missions d’inspection au sein des structures publiques (en l’occurrence l’ANIES et La MAMRI) qui auraient été spoliées ou seraient victimes de malversations financières, de détournements de deniers publics. L’ironie du sort est que ces structures publiques disposent toutes de Conseils d’Administration ou de comités de pilotages, de services comptables et d’audits internes. L’ironie du sort est que sur les périodes comptables considérées, ces structures n’ont pas signalé des déperditions frauduleuses de ressources financières, encore moins une implication quelconque du Premier Ministre que je fus dans la gestion courante desdites structures. De quoi, m’accuse t-on alors ?

Mille fois, hélas ! L’acharnement ne s’est pas limité qu’à moi, les actes d’offense et de vexations ont touché ma famille et mes proches aussi. Seul concerné dans l’affaire, ma famille et mes proches n’ayant pas été impliqué dans ma gestion, d’une manière ou d’une autre, ce n’est pas qu’à ma seule personne cependant que les magistrats s’intéressent. L’une après l’autre, toutes les personnes liées à moi, peu ou prou, soupçonnées d’appartenir à mon cercle proche ont été interpelées, interrogées, persécutées, sans motifs ni raisons.

A toutes ces victimes collatérales et innocentes, trainées devant la justice pour délit de proximité avec moi, je présente mes excuses sincères et exprime mes profonds regrets.

Chers concitoyens,

J’informe l’opinion publique nationale et internationale que je suis arrivé à la clinique Pasteur, après toutes les alertes à propos de mon état de santé sans qu’aucune suite n’ait été donnée, dans un fauteuil roulant, incapable de marcher et de me déplacer, tout seul. Il m’a été administré perfusion sur perfusion, me trouvant dans un état critique après la dégradation de ma santé. Le dernier rapport établi par la clinique Pasteur qui ne peut être soupçonnée de complaisance et de légèreté confirme celui de l’infirmerie de la maison centrale six mois plutôt et d’autres médecins Guinéens et étrangers, ayant diagnostiqué déjà une pathologie qui ne peut être traitée sur place, donc nécessite une évacuation sanitaire urgente. C’est une question de vie ou de mort. Les différents rapports ont été adressés aux autorités compétentes depuis six mois déjà et le dernier de la Clinique Pasteur remonte à plus de deux semaines.

Pendant qu’on languit à attendre la réponse à la demande d’évacuation formulée, on veut nous forcer à aller à un procès. Dans aucun pays au monde, on ne peut se permettre de juger une personne malade, attraire devant la barre un patient qui ne dispose pas de toutes ses facultés pour pouvoir s’expliquer et se défendre, convenablement. Personne ne mérite d’être traitée ainsi. Je ne revendique rien qui ne soit pas de mon droit comme celui propre à chacun de bénéficier de soins adéquats en cas de maladie.

J’informe donc chacun et tous que je ne me présenterai pas à un juge dans les conditions d’aujourd’hui. Tout comme mes codétenus ne se présenteront pas à un procès aussi longtemps que leurs droits à la liberté et les décisions judiciaires pertinentes déjà prises à cet effet, ne seront pas respectées.

A ceux qui nous exhortent de croire en notre justice, de faire confiance en nos magistrats, nous les invitons, à notre tour, à récapituler les faits, chronologiquement comme je viens de le faire pour comprendre que dès le début, ce n’est pas de justice dont il est question. Le problème posé, il est politique, la solution sera donc tout aussi politique. N’oublions pas que depuis le 5 septembre 2021, notre pays vit sous un régime d’exception consécutif au coup d’État perpétré. Nous sommes sous une administration militaire, différente de notre système de valeurs habituel que nous continuons de défendre, que nous souhaitons rétablir au terme de la transition en cours.

En tant que Républicain et démocrate, il se pose aussi à moi le problème de fond et de conscience de croire que dans la situation d’aujourd’hui de notre pays, on peut parler de justice et de rendre justice. Ne voit-on pas la réalité des choses, notre sort à tous ?

Mon vœu et mes prières personnelles, en ce moment, c’est de voir notre pays revenir à une vie constitutionnelle normale qui puisse garantir les droits rudimentaires et les libertés fondamentales de chacun. En ce moment, chacun pourra répondre de ses actes, en toute liberté de conscience et dans le respect de ses droits, devant des juridictions indépendantes, animées par des magistrats assermentés, libres et scrupuleux. En lieu et place de cours et tribunaux de ces temps qui courent, taillés sur mesure pour les besoins d’une cause politique et pour servir les maîtres du moment du pays.

Chers concitoyens,

En m’engageant en politique, en décidant de servir mon pays, je ne m’attendais pas à une vie tranquille ni à bénéficier de faveurs particulières. Servir est un sacerdoce, l’engagement demande des sacrifices qu’il faut être prêt à consentir et subir dans une foi ardente et un courage de tous les instants.

Il arrive toujours l’heure de rendre des comptes, à sa conscience d’abord, à la société, ensuite. Je n’ai pas attendu d’être interpelé pour le réaliser ou me soumettre à ce devoir citoyen et républicain. Dans ma vie personnelle comme professionnelle, j’ai toujours fait l’effort de respecter l’exigence de rigueur et d’exemplarité. Peut-être que j’ai pu faillir dans ma volonté d’accéder à la perfection, mais, je ne me suis rendu coupable d’aucun acte répréhensible qui va à l’encontre de l’éthique ou de nature à bafouer mon honneur.

En tant que citoyen, je suis un justiciable comme un autre qui n’est pas au-dessus de la loi mais je demeure aussi un homme, jusqu’à preuve du contraire, jouissant pleinement de tous ses droits. Aussi, lorsque j’ai été convoqué par les nouvelles autorités, de bonne foi, même s’il y avait énormément à redire sur les méthodes employées et les véritables intentions, je n’ai opposé aucune résistance. Il n’y aucun mal à s’expliquer lorsqu’on a eu en charge les affaires publiques à tout moment et en tout lieu. Cependant, la démarche ne doit pas être empreinte de préjugés ni servir de prétexte à comprimer les libertés fondamentales et à compromettre des droits inaliénables.

La justice a pris le relais dans les poursuites engagées contre d’autres personnalités et moi. Sans autre forme de procès, le sort réservé à tous fut la prison qui est une mesure extrême pour des personnes réputées infréquentables et dangereuses pour les autres dont ils seraient devenus l’enfer. La règle édictée est d embastiller à priori les anciens dignitaires, et rechercher les preuves à posteriori devant justifier in fine les condamnations programmées.

Voudrait-on nous faire comprendre que dans notre propre pays, nous serions devenus des parias, mis au ban de la société ou serions-nous interdits d’un minimum d’égard dû à chacun ?

Chers concitoyens,

Il ne sert à rien de parler lorsqu’il n’y a pas de sérénité dans la cité, c’est la passion qui domine les différentes prises de position. Le jugement d’une opinion conditionnée, chauffée à bloc, tombe sur la tête comme un couperet, avant le verdict de la justice. Maintenant que le temps a fait son œuvre, la justice a été suffisamment mise à l’épreuve, chacun se rend compte qu’il faille chercher ailleurs les raisons de notre incarcération que dans les crimes qu’on aurait commis, qui nous seraient reprochés.

Je rappelle, pour mémoire, sans verser dans l’orgueil et la vanité que je suis un pionnier dans la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite qu’on m’oppose, aujourd’hui. Sous la gouvernance Lansana Conté, alors Ministre de l’Économie et des Finances, j’ai lancé une opération mains propres dans l’administration jusque dans les rangs de l’Armée, en passant par la corde sensible des lieux de culte. L’impunité n’a été garantie à personne, il n’y a pas eu d’intouchables. Seul, contre tous, j’ai été poussé vers la sortie avec à la clé le chemin de croix de l’exil forcé et un long congé (14 ans) de l’administration publique. Des affaires de malversations qui ont éclaboussé de nombreuses personnalités ont été révélées à la face du monde. D’importants montants compromis ont été récupérés et reversés dans les caisses de l’État.

Nommé Premier ministre, par le professeur Alpha Condé, alors que rien ne m’y obligeait, personne ne me l’avait expressément demandé, bien que conscient de tous les périls qui s’y attachent dans notre pays, dès ma prise fonction, je me suis engagé devant la Représentation nationale à mener une lutte sans merci contre la corruption et ses corolaires, la mal gouvernance, en général. La levée de bouclier qui a suivi les premières actions, les fortes résistances rencontrées ne m’ont pas ébranlé dans ma détermination, ne m’ont pas détourné de mes engagements et de mes objectifs. Mais, je dois reconnaitre n’avoir pas pu aller très loin dans mes efforts, ni jusqu’au bout de ma volonté. Il y a eu cependant des résultats probants.

Comme la première fois, j’ai mesuré le défi de changer une société réfractaire au changement comme il m’est donné de subir aujourd’hui, dans ma chair et dans mon âme, l’héritage de violence de l’État et de dysfonctionnements dans l’appareil judiciaire. Nous avons un passé de répression, une culture de l’injustice qui résistent au temps, au changement, traverse les générations pour le malheur de tous. Le monde ne s’est pas fait, en un jour, les hommes restent ce qu’ils sont, peinent toujours à évoluer et à s’adapter à leur époque. L’instinct de conservation et de survie empêchent d’accéder à la vertu et de donner le meilleur de soi-même, de servir les bonnes causes.

Chers concitoyens,

J’entends dire que je suis justiciable, qu’il faudrait me juger. Je suis disposé à comparaitre devant une justice libre, libre de toute pression, de toute influence, distante aussi des autres pouvoirs. Je suis prêt à me présenter en Homme libre et non dans les conditions actuelles de séquestration arbitraire et illégale devant des magistrats indépendants, qui n’ont de maitre que la Loi, résolument engagés à respecter leur serment et à honorer leur noble profession. On peut tous avoir confiance en notre justice, croire en nos magistrats, mais, rappelons-nous toujours du contexte politique et historique, des conditions dans lesquelles la justice est exercée aujourd’hui, les décisions sont rendues.

Tout le monde est témoin de la violation de nos droits les plus élémentaires, de la persécution contre nous marquée par une privation de liberté prolongée et injustifiée, les soins à minima, là où une prise en charge appropriée dans des établissements indiqués s’avère vitale.

Après tout cela, qui peut espérer de nous que nous soyons confiants dans nos institutions, qui peut attendre de nous que nous nous en remettions à la justice comme recours.

Chers concitoyens,

Comme dans l’opinion, des voix s’élèvent pour faire le procès de responsables publics et hommes d’État qui ont assumé les difficultés et sacrifices de leurs fonctions, dans l’honneur et la dignité, des forces dans les rouages de l’État et les arcanes de la justice, mues par des arrières- pensées et des visées obscures, sont portées à régler des comptes qu’à en demander dans le cadre de la redevabilité incombant à tout gestionnaire public.

C’est clair pour moi, qu’on n’est plus dans le domaine de la justice mais sur le terrain politique. L’agenda politique et les jeux de pouvoir dans la transition impliquent des acteurs qui ne veulent pas d’obstacles devant eux, de menaces contre eux dans la course à la succession, la bataille pour la Présidence de la République.

Le pêché d’ambition présidentielle expose à tous les dangers, précipite des poursuites comme si l’autorité de sélectionner les candidats était plus forte que le pouvoir du peuple de choisir librement ses dirigeants.

Chers concitoyens,

En prison, on a la conscience libre, la tête haute, on est en paix avec soi-même, lorsqu’on est convaincu que l’hydre de l’injustice, sans nom ni visage ne résistera pas aux temps que la vérité finira tôt ou tard par triompher. Là où on ne peut espérer la justice des Hommes, il faut s’attendre à celle de Dieu qui peut tarder, mais, aura le dernier mot.

Dans la vie démocratique, c’est le peuple qui tranche, comme seul Dieu décidera toujours du destin de chacun.

Pour ma part, j’ai choisi de vivre en homme libre et responsable, tranquille avec sa conscience que de renoncer à l’honneur et à la dignité, rien que pour survivre.

Que Dieu sauve la Guinée ‼‼

Ibrahima Kassory FOFANA Président du Conseil Exécutif du RPG Arc-en-ciel

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CEDEAO : la conférence des chefs d’Etats désavoue Doumbouya dans sa conduite de la transition

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Réunis en sommet extraordinaire à Addis-Abeba en Ethiopie,les chefs d’Etats et de gouvernement de la CEDEAO font le point sur la situation des transitions en Guinée, au Mali et au Burkina Faso. Dans son communiqué final, le sommet des chefs d’Etats maintien ses sanctions contre les autorités de la transition en Guinée.

La Conférence des chefs d’État et de gouvernement a décidé de maintenir les sanctions existantes contre les membres du gouvernement et hauts fonctionnaires Guineens. Ils sont ainsi interdits de voyage jusqu’à nouvel ordre, ce, malgré le plaidoyer du Ministre des affaires étrangères pour lever cette sanction.

Outre, les sanctions d’interdiction de voyage, la conférence désavoue et rejette la mise en œuvre de la feuille de route de la transition : “La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement rejette totalement l’action unilatérale prise par les Autorités de Transition en Guinée concernant la mise en œuvre de la feuille de route de la transition”, peut-on lire dans le communiqué final.

La Conférence des Chefs d’Etat appelle Gouvernement à faire du respect des 24 mois de durée de la transition couvrant les dix (10) domaines , une priorité.

Concernant le dialogue, la CEDEAO insiste auprès des autorités de transition pour l’organisation d’un dialogue national inclusif avec tous les acteurs politiques :

“La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement a exhorté les autorités guinéennes à mener un dialogue national inclusif avec tous les acteurs politiques et à garantir la sécurité et la liberté de tous les participants et a instruit le Président de la Commission de la CEDEAO d’accompagner le processus”

Mamadou Ciré Barry pour kumpital.com

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Violences à Conakry : Mory Condé hausse le ton contre les “auteurs et commanditaires”

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Une grande partie de Conakry a connu des scènes de violences dans la journée d’hier. Cela fait suite à l’appel à manifester du FNDC. Tard dans la soirée de ce 16 février 2023, Mory Condé, Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation s’est prononcée sur cette journée à travers la Radiodiffusion Télévision Guinéenne.

Dans sa communication, le MATD dresse un bilan de 8 guinéens blessés à la suite d’altercations avec les agents de maintien de l’ordre, 20 agents de maintien de l’ordre blessés et plusieurs véhicules des forces de l’ordre et appartenants à certains citoyens détériorés par de “manifestants violents”

Mory Condé dit regretter ces violences survenues à Conakry, occasionnées par des individus ” qui veulent instaurer une gerilla urbaine”. Avec pour objectif d’empêcher aux citoyens de vaquer à leurs occupations. Le MATD, rassure les citoyens de sa disponibilité à tout mettre en œuvre pour faire régner la paix et la quiétude sociale.

« Le ministre de l’administration mettra tout en œuvre pour assurer la quiétude sociale et la paix pour permettre aux citoyens de vaquer librement à leurs occupations sans aucun abus et dans les limites prévues par la loi. Le ministre de l’administration du territoire rassure le peuple de Guinée de la détermination du gouvernement de mettre hors d’état de nuire ces individus et à poursuivre les auteurs et commanditaires de ces violences », a déclaré Mory Condé

Par ailleurs, le Ministre Condé n’exclut pas sévir contre des individus qui tentent de saper l’autorité de l’Etat et la paix publique : «[…]en application de la loi organique L91 002 CR en date du 23 décembre 1991 portant charte des partis politiques en République de Guinée et de la loi L2005 013 AN en date du 04 juillet 2005 régissant les associations en République de Guinée, les organisations politiques sociales dont les responsabilités pénales seront établies par la suite des procédures judiciaires par les autorités compétentes se verront appliquer des sanctions allant de la suspension jusqu’au retrait de leurs agréments », a prévenu le Ministre de l’Administration et de la Décentralisation.

Mamadou Ciré Barry pour Kumpital.com

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