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Lettre Ouverte

Lettre au Général Mamadi Doumbouya : la stratégie de la force contre le temps

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Dans cette lettre signée depuis Paris, l’écrivain et analyste Alpha Bacar Guilédji adresse une lettre ouverte au chef de la transition guinéenne.
Il y interroge la dérive autoritaire du pouvoir et la tentation de la force face au temps.

Général,Tu as fait irruption dans l’histoire de ton pays comme une promesse. Ce 5 septembre 2021, lorsque tu es sorti du camp avec tes hommes, le peuple a cru voir en toi un espoir, une délivrance, la fin d’un cycle d’humiliation et de dérive.
Tu parlais de refondation, de justice, de dignité. Tes mots semblaient clairs, ta voix assurée, ton geste libérateur.Mais les années ont passé, et les promesses se sont effacées sous les pas lourds de la peur.
La refondation s’est dissoute dans la confiscation.
La transition, qui devait rendre la parole au peuple, est devenue un pouvoir — et le pouvoir, une obsession.

Tu es soldat d’élite. Tu connais la rigueur, la stratégie, l’art de la manœuvre.
Mais tu sembles avoir oublié la plus haute leçon de la guerre : la vraie victoire est celle qu’on obtient sans combattre.

Tu mènes bataille contre ton propre peuple, contre les partis politiques, contre la société civile, contre la parole.
Tu confonds la conquête avec la paix, la peur avec l’ordre.
Mais la victoire sur les tiens n’est pas un triomphe : c’est une blessure.
La force qui se tourne vers l’intérieur finit toujours par se consumer.

Le chronogramme convenu avec la CEDEAO devait s’achever le 31 décembre 2024.
Tu en avais fait un symbole d’honneur, un engagement devant la région et la nation.
Mais tu l’as trahi sans un mot d’explication.

Le 21 septembre, un référendum constitutionnel organisé dans un climat de contrainte et d’exclusion a donné naissance à une Constitution que personne n’a vue venir et que personne n’a pu débattre.
Elle t’ouvre la voie à une élection présidentielle fixée au 28 décembre, à laquelle tu es le seul véritable protagoniste.

Les partis représentatifs ont été dissous, leurs leaders pourchassés ou exilés, leurs militants intimidés.
Tu as réduit le champ politique à un monologue.
Tu as préféré la soumission des consciences à la libre confrontation des idées.
Et dans ce vide, tu crois régner.

Tu disposes de la force, des armes, des institutions, de la manne financière, de la justice que tu contrôles.
Tu as domestiqué le CNT, transformé la CRIEF en outil de neutralisation politique, verrouillé les médias.
Mais le pouvoir qui gouverne par la peur finit toujours par la subir.

On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’y asseoir.

La peur est un ciment qui se fissure dès qu’il sèche.

Tu aurais pu être le chef d’un passage historique — celui qui rend à la Guinée sa respiration et à l’État sa dignité.
Tu aurais pu incarner la rupture entre l’État des privilèges et celui du devoir.
Mais tu as préféré l’autorité à la raison, la force à la parole.

Comme le rappelait Machiavel, un dirigeant soutenu par le peuple doit savoir en préserver l’amitié,
car c’est d’elle que vient la véritable force du pouvoir.
Tu as perdu cette amitié, Général, et nul pouvoir, fût-il armé, ne résiste longtemps à l’indifférence ou à la colère de son peuple.

Autour de toi, le silence est organisé.
Ceux qui te craignent t’acclament. Ceux qui t’obéissent se taisent.
Tu vis au centre d’une tranquillité factice, entouré d’hommes qui te disent ce que tu veux entendre.
Mais cette paix-là n’est pas la paix : c’est une anesthésie.

La CEDEAO s’est tue, l’Union africaine s’est détournée, les chancelleries ont préféré la stabilité des contrats à la fidélité des principes.
Ce silence n’est pas neutre : il est complice.

C’est dans le projet Simandou que cette duplicité atteint son comble.
On le présente comme une victoire nationale, mais il n’est qu’un théâtre de rivalités étrangères.
Rio Tinto, Winning Consortium, la Chine, Singapour, la Finlande, l’Allemagne, les États-Unis, l’Inde : chacun avance ses pions,
et toi, tu crois diriger la partie.
Mais c’est une partie où les règles sont écrites ailleurs.

Cheikh Anta Diop l’avait dit : « L’Afrique ne sera libre que lorsqu’elle contrôlera la production et la distribution de ses richesses. »
Et Fanon avertissait : « Quand les richesses d’un pays ne servent pas son peuple, elles deviennent les chaînes de sa servitude. »

Les rails qu’on construit ne sont pas des routes de développement, mais des veines ouvertes où s’écoule la substance d’un pays qui s’ignore.

L’économie que tu diriges aujourd’hui n’est pas une rupture, mais une répétition.
Sékou Touré avait fait de l’État l’unique acteur, Lansana Conté a livré le pays au marché, Alpha Condé a politisé la dépendance.
De la Révolution à la Réforme, la même logique s’est perpétuée :
un État sans production, un pouvoir sans partage, une richesse sans nation.

Tu prétends refonder, mais tu perpétues.
Ce que tu appelles “refondation” n’est que la continuité d’un vieux modèle :
un État qui distribue la richesse au lieu de la produire,
qui gouverne par la rente au lieu de la vision.

Tu n’es pas sans mémoire, Général.
Tu sais ce que la Guinée a déjà vécu :
Sékou Touré a proclamé la liberté pour en faire une terreur,
Lansana Conté la stabilité pour en faire une lassitude,
Dadis Camara la rectitude pour en faire un drame,
Alpha Condé la démocratie pour en faire un slogan creux.

Et aujourd’hui, toi, Mamadi Doumbouya, tu sembles répéter ce cycle infernal des promesses trahies.
Chaque libérateur finit par devenir gardien de sa propre forteresse.

Tu es encore jeune.
L’histoire t’offre une chance rare : celle de te racheter avant qu’elle ne t’efface.
Si tu écoutais la voix de la raison plutôt que celle de la peur,
tu comprendrais que la vraie force n’est pas dans la domination, mais dans la maîtrise de soi.

Tu pourrais encore rouvrir le dialogue, libérer les détenus politiques, restaurer les partis,
rendre au peuple le droit de choisir.

Tu pourrais devenir l’homme qui a mis fin, non pas à un régime, mais à une spirale.

Tu gagneras peut-être encore quelques batailles — celles des apparences, des urnes verrouillées, des silences imposés.
Mais la guerre contre le temps, contre la vérité, contre la mémoire, tu ne la gagneras jamais.

Souviens-toi : gouverner, ce n’est pas conquérir. C’est servir. Et servir, c’est savoir s’effacer.

Dans la guerre du pouvoir contre l’Histoire, il n’y a qu’un seul vainqueur : le temps.

Le temps, qui emporte les mensonges et ne garde que la vérité.
Le temps, qui efface les statues et ressuscite les consciences.
Le temps, qui finit toujours par rendre au peuple ce qu’on lui a volé.

Lettre Ouverte

Lettre ouverte — À Son Excellence Monsieur le Président de la Transition, Général Mamadi Doumbouya

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Paris, le 13 octobre 2025

Objet : Appel solennel au respect de l’engagement de non-candidature à l’élection présidentielle

Excellence Monsieur le Président de la Transition,

C’est avec le respect dû à la haute fonction que vous occupez, mais aussi avec une profonde inquiétude citoyenne, que je vous adresse cette lettre ouverte.

Au lendemain du 5 septembre 2021, la promesse faite par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) fut claire, ferme et réitérée à plusieurs reprises : aucun membre du CNRD, du gouvernement de transition ni des institutions de la Transition ne sera candidat aux futures élections présidentielles.

Cet engagement, pris devant la nation guinéenne et la communauté internationale, n’était pas un simple artifice politique. Il constituait le socle moral et légal de la Transition que vous dirigiez. Il a justifié l’espoir d’une rupture démocratique, d’un retour à l’ordre constitutionnel et d’une alternance sans les tentations de maintien au pouvoir qui ont tant miné notre histoire.

Monsieur le Président, cet engagement est la clé de voûte de votre crédibilité et de celle de l’ensemble du processus de transition. Toute tentative de s’en affranchir, que ce soit par l’interprétation de nouveaux textes constitutionnels ou par la pression de l’entourage, serait perçue par le peuple guinéen comme une trahison de la parole donnée et une tentative de confisquer la souveraineté populaire.

La Guinée a soif d’un État de droit, de la primauté des institutions sur celle des hommes, et d’une stabilité durable, fondée sur le respect scrupuleux des règles du jeu démocratique et des engagements publics. Le non-respect de cette promesse fondamentale risquerait de plonger le pays dans de nouvelles tensions, de discréditer la Transition aux yeux des partenaires internationaux, et surtout, de briser l’espoir d’une jeunesse qui attend la véritable alternance.

L’histoire retiendra la noblesse de l’acte de celui qui, ayant le pouvoir entre ses mains, choisit délibérément de le rendre au peuple, scellant ainsi l’avenir démocratique de sa nation. Votre héritage se mesurera non pas au temps passé au pouvoir, mais à la qualité des institutions et de la démocratie que vous laisserez derrière vous.

Je vous demande solennellement, Monsieur le Président de la Transition, de confirmer et de respecter sans réserve votre engagement. Faites le choix de l’honneur de la parole donnée, de la paix sociale et de l’enracinement durable de la démocratie en Guinée.

Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la Transition, l’expression de ma très haute considération.

Par Saidou Mo Tantigale
📍 Paris, le 13 octobre 2025

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Lettre Ouverte

Lettre ouverte à l’attention de Monsieur le Président du Conseil national de la Transition (CNT), le camarade Dr Dansa Kourouma

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Monsieur le Président,

En cette période cruciale de refondation de notre chère Nation, permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes salutations les plus respectueuses, ainsi que mes encouragements républicains pour la mission exaltante que vous avez entreprise à la tête du Conseil national de la Transition (CNT). Je vous souhaite, à vous ainsi qu’à votre honorable famille, paix, santé et sérénité.Monsieur le Président, c’est avec un profond respect que je viens, en tant que citoyen, à travers cette lettre ouverte, partager avec vous une préoccupation légitime, désormais partagée par de nombreux compatriotes et observateurs de la vie publique.

J’ai appris que le nouveau Code électoral, récemment adopté par le CNT, a été publié au Journal officiel et semble déjà faire l’objet d’une application par certains organes, alors même qu’aucune communication officielle, pédagogique ou campagne de vulgarisation de ce texte n’a été portée à la connaissance du grand public.

Pour beaucoup de citoyens — pour ne pas dire pour la quasi-totalité —, ce texte demeure jusqu’à présent méconnu. Ni ses grandes lignes, ni les innovations qu’il contient, ni même les implications pratiques qu’il entraîne n’ont fait l’objet d’une explication claire ou d’un débat national inclusif.

Cette situation soulève des inquiétudes légitimes et donne lieu à des interprétations diverses, parfois contradictoires, au sein de l’opinion publique. Un texte aussi fondamental, qui encadre le processus électoral, ne saurait rester dans l’ombre ou entre les seules mains d’initiés.

Nous croyons profondément que la transparence, la participation citoyenne et l’information juste constituent des piliers essentiels de toute transition réussie. Il serait donc souhaitable, Monsieur le Président, que le CNT organise, dans les meilleurs délais, une campagne nationale d’information et de vulgarisation autour de ce nouveau Code électoral, afin que chaque Guinéenne et chaque Guinéen puisse se l’approprier en toute connaissance de cause.

Je vous sais attaché à l’écoute et au dialogue républicain, et je suis convaincu que vous prendrez les dispositions nécessaires pour répondre à cette attente légitime du peuple souverain de Guinée.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, camarade Dr Dansa Kourouma, l’expression de mes salutations distinguées et fraternelles.

Diallo Alhassane
Juriste facilitateur indépendant
Ancien président de l’Observatoire guinéen pour des élections libres et transparentes (OGELT)

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Lettre Ouverte

Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Industrie et des PME

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Objet : Réflexions et propositions suite à la fermeture de 1 724 unités industrielles

Madame la Ministre,

Permettez-moi tout d’abord de saluer la rigueur avec laquelle votre Ministère s’emploie à réorganiser et réguler l’environnement industriel Guinéen. La mise en conformité des activités économiques, notamment dans les secteurs sensibles comme la production d’eau, est une démarche nécessaire, légitime et attendue depuis longtemps.

Cela dit, la décision de fermeture de 1 724 unités industrielles, annoncée le 17 juillet dernier, appelle une réflexion collective sur les modalités d’application et les conséquences immédiates. Ces unités, bien qu’imparfaites sur le plan réglementaire et environnemental, jouent un rôle crucial dans le tissu économique et social Guinéen.

En moyenne, si nous prenons cinq (5) emplois directs par unité, ce sont plus de 8 600 emplois qui disparaissent en une journée, sans compter les milliers d’emplois indirects dans les filières connexes : fournisseurs d’emballages, transport, commerce de proximité etc.

Au-delà des chiffres, il y a les visages. Celui des jeunes entrepreneurs qui ont investi leurs économies dans des petites unités de traitement. celui des femmes dans les marchés qui vendent, chaque jour, des sachets d’eau pour nourrir leurs enfants. Ces récits sont nombreux. Derrière chaque fermeture, une chaîne de solidarité locale s’effondre.

Le secteur de la production d’eau, dans nos villes comme dans nos campagnes, comble aujourd’hui des insuffisances structurelles. En l’absence de réseaux publics performants, ces unités assurent, de fait, un service vital et approvisionnent chaque jour des milliers de foyers, notamment dans les zones périurbaines. Leur retrait soudain crée un vide fonctionnel, un risque de pénurie localisée, une hausse possible des prix et une perte brutale de revenus pour les ménages les plus modestes.

Or, réguler un secteur ne doit pas signifier l’éteindre. L’ambition de qualité ne saurait être atteinte durablement sans accompagnement, ni cadre progressif de transition.

C’est pourquoi je plaide pour une transition stratégique, juste et inclusive. Pour une approche alternative, plus progressive, s’appuyant sur les mécanismes structurés de développement du secteur privé.

À court terme, un programme national de mise en conformité industrielle, motivé par la volonté d’accompagner un secteur privé fragile vers une transformation profonde et adossé aux ressources du programme Simandou 2040, pourrait être lancé. Ce programme serait structuré autour de trois piliers :

  1. Un référentiel qualité adapté aux micro-unités, co-construit entre les ministères de l’Industrie, de la Santé et de l’Environnement, pour classer les unités selon leur niveau de risque et leur potentiel de mise aux normes. Ce référentiel pourrait faire l’objet d’un arrêté ministériel partagé, permettant aux unités viables d’engager un parcours de régularisation et surtout de les classer en trois catégories : à régulariser, à accompagner, à fermer définitivement sur base de critères objectifs.
  2. Un accompagnement ciblé piloté par le Ministère de l’industrie et des PME, avec appui des acteurs de l’écosystème entrepreneurial qualifiés, afin de soutenir la mise aux normes des unités viables. L’objectif réaliste serait de sauvegarder 250 à 300 unités, représentant à elles seules plus de 1 500 emplois directs formalisables à court terme. Ces petites unités seront retenues de par leur potentiel de se conformer aux normes et de développement pour couvrir le marché national d’eau minérale.
  3. Une offre de reconversion vers d’autres filières industrielles ou agroalimentaires (jus, huiles, produits transformés), avec des incitations fiscales à la transformation locale et des mécanismes de soutien à l’investissement pour les autres unités exclus du secteur de l’eau.

Ce dispositif permettrait de transformer une mesure brutale en mécanisme de structuration. De réconcilier exigence publique et trajectoires entrepreneuriales. Et surtout, de bâtir un tissu industriel plus sain, sans sacrifier les dynamiques existantes ni les efforts consentis par des centaines de Guinéens entreprenants.

En tant qu’expert de l’accompagnement des PME et du développement d’écosystèmes entrepreneuriaux, engagé depuis plus de 15 ans sur le terrain, je suis convaincu qu’une telle transition est non seulement possible, mais souhaitable. L’État a aujourd’hui l’occasion de montrer que l’autorité peut être alliée à la justice économique, et que réguler n’est pas seulement fermer, mais aussi ouvrir des perspectives nouvelles.

Nous avons là une occasion historique de démontrer que l’État Guinéen sait conjuguer autorité et accompagnement, normes et justice sociale. Nous pouvons refonder notre industrie sans écraser ceux qui l’ont portée à bout de bras. Nous pouvons construire un système où la qualité devient une ambition partagée, parce qu’on a donné les moyens d’y accéder. Ne laissons pas cette crise devenir un traumatisme économique. Transformons-la en levier d’innovation, d’inclusion et de fierté nationale.

Refonder notre industrie, oui. Mais pas en sacrifiant ceux qui ont tenu debout, seuls, là où rien n’était prévu pour eux. Construisons un modèle où l’assainissement devient une chance. Un modèle où les réformes ne s’imposent pas contre, mais avec les forces vives de notre économie. Ce pays a soif d’ordre. Mais aussi de perspectives. Ne coupons pas l’eau à ceux qui, malgré tout, font circuler la vie.

Respectueusement

Danda DialloExpert de l’accompagnement des PME Et du développement d’écosystème entrepreneurial

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