On en est arrivé à regretter les putschistes de la première génération. À cette époque, le scénario était simple : après avoir sorti les tanks, ils régnaient sans partage jusqu’à leur mort ou jusqu’au coup d’État suivant, sans hypocrisie ni simulacre de démocratie.
Les Bokassa, Eyadéma, Idi Amin Dada ou Mobutu avaient au moins un mérite : la transparence. Ils tuaient, pillaient et régnaient à visage découvert. Pas de faux-semblants, pas de constitutions bidouillées. Les opposants ? On les pendait ou on les exécutait au grand jour. Ces dictateurs étaient brutaux, féroces, mais honnêtes dans leur brutalité : on savait à quoi s’en tenir.
Les faux démocrates ont pris le relais
Puis est venue l’ère des illusions démocratiques. Nos peuples, bercés de promesses d’alternance et de liberté, se sont réveillés prisonniers d’un nouveau genre de tyrans : les faux démocrates. Ceux qui tuent, volent et musèlent comme les anciens, mais en costume-cravate, sous le couvert d’élections et de belles déclarations.
Nos putschistes d’aujourd’hui avancent masqués, avec un vernis de respectabilité. Et parmi eux, le modèle du genre s’appelle Mamadi Doumbouya : un maître des reniements et des faux-semblants.
Le grand leurre guinéen
Tout a commencé le 5 septembre 2021, lorsque le colonel Doumbouya renverse Alpha Condé, mettant fin au cauchemar du troisième mandat. Le peuple applaudit, espérant un sauveur. Il jure alors solennellement que ni lui ni ses proches ne seront candidats à la future élection.
Mais le masque tombe vite : ses ministres l’appellent déjà “Monsieur le Président”, les opposants sont exilés ou réduits au silence, les activistes disparaissent. Une nouvelle Constitution, taillée sur mesure, balaie les verrous qui interdisaient sa candidature.
Une transition confisquée
Par des manœuvres bien orchestrées, il écarte les principaux adversaires : Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré — trois figures représentant à elles seules plus de 90 % de l’électorat. Il contrôle les institutions, vide les caisses publiques et finance une propagande massive : mamayas, meetings, “matchs de football patriotiques”, tout est bon pour orchestrer l’acclamation du chef.
Le ridicule devient une arme politique.
Vers un plébiscite annoncé
Le 28 décembre prochain, Mamadi Doumbouya sera élu, sans surprise, probablement à 100 %. Ses concurrents ne seront que des figurants dans une mise en scène déjà écrite. Ce jour-là, la Guinée s’offrira, malgré elle, sa sixième dictature.
Un avenir sombre, mais une mémoire vive
Comment un homme incapable de respecter une simple Charte de Transition pourrait-il respecter une Constitution ? La question reste sans réponse. Mais le mal est fait, et l’avenir s’annonce sombre.
« N’oubliez pas qu’aujourd’hui, l’Histoire est filmée. Et demain, quand viendra l’heure de rendre des comptes, aucun d’entre vous ne pourra dire qu’il ne savait pas. »
Tierno Monénembo
Écrivain guinéen
