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Aliou Bah, le courage face à l’épreuve

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Par Cellou Mandela Diallo — Étudiant en Master de philosophie politique à l’Université Paris-Sorbonne et responsable de la cellule de communication de la Coalition des Étudiants Leaders de Guinée

Un an après l’incarcération d’Aliou Bah, arrêté à la frontière entre la Guinée et la Guinée-Bissau alors qu’il se rendait à un voyage privé, Cellou Mandela Diallo revient sur la portée politique, morale et historique de cet événement. Il y voit moins l’emprisonnement d’un homme que la mise à l’épreuve d’une nation, et interroge la capacité collective du peuple guinéen à être à la hauteur du courage de ceux qui osent.

Monsieur Aliou Bah,

Le 26 décembre 2025 n’est pas une date ordinaire. C’est une date lourde de sens, une date qui pèse sur les consciences et interroge notre rapport au courage, à la vérité et à la responsabilité collective.

Voilà bientôt un an, jour pour jour, depuis que vous avez été privé de votre liberté, arrêté à la frontière entre la Guinée et la Guinée-Bissau, alors que vous entrepreniez un voyage strictement privé. Cet événement n’a pas seulement conduit à l’incarcération d’un homme. Il a révélé une époque, un climat politique et une fragilité démocratique que beaucoup préféraient ignorer.

Votre arrestation est intervenue à un moment où l’opinion publique guinéenne exprimait, avec amertume, sa déception face à la timidité, parfois la lâcheté, de ses leaders politiques.

Dans ce contexte, nombreux étaient ceux qui tournaient leur regard vers le Sénégal, où le courage et la constance d’Ousmane Sonko avaient contribué à faire échec aux tentatives de confiscation du pouvoir attribuées au président Macky Sall.

Mais l’histoire n’avance jamais par imitation mécanique.

Vous avez alors rappelé une vérité essentielle : le courage politique n’est ni une exception géographique ni un privilège national. La Guinée n’est inférieure à aucun autre peuple. Elle compte, elle aussi, des hommes capables de se lever lorsque le silence devient une forme de complicité.

Dans l’une de vos interventions publiques, vous évoquiez avec une lucidité rare que la comparaison ne doit pas se limiter aux leaders. Elle doit s’étendre aux peuples.

On ne peut exiger des dirigeants courageux dans une société où la peur est devenue un mode de gestion collective.

On ne bâtit pas une démocratie exigeante avec des citoyens résignés.

Dans ces paroles, une chose apparaissait clairement : vous étiez prêt. Prêt à perdre. Prêt à souffrir. Prêt à payer un prix que peu acceptent de payer.

Du fond de votre cellule, il convient de le dire clairement : vous n’avez pas échoué. Vous avez tenu. Vous avez assumé. Vous avez montré le chemin.

À travers votre incarcération, vous nous enseignez deux véritités majeures. La première est votre attachement indéfectible à la vérité et à la patrie. La seconde est plus inconfortable :
la Guinée ne souffre pas d’un manque de leaders crédibles, mais d’un déficit de courage collectif.

Aliou Bah, votre nom est désormais lié à une question que la Guinée ne pourra plus éviter de se poser :

Que faisons-nous des hommes qui acceptent de payer le prix de notre liberté ?

En un an, vous avez perdu la liberté de vos pas, des opportunités professionnelles considérables, des moments familiaux irremplaçables. Mais vous avez gagné ce que le temps seul accorde :
la légitimité morale.
Celle qui ne se décrète pas. Celle qui ne s’achète pas. Celle qui survit aux prisons.

Votre parti, le MoDeL, continue de s’organiser et de s’implanter, en Guinée comme dans la diaspora. Cette persistance, malgré l’épreuve, constitue déjà un fait politique majeur.

Monsieur Bah, du fond de votre cellule, vous pouvez sourire. Non par naïveté, mais par fidélité à l’histoire.

Un jour viendra où cette épreuve deviendra mémoire et exigence nationale.

Un jour viendra où cette prison deviendra archive.

Où cette épreuve deviendra récit.

Où chacun devra répondre non devant un tribunal, mais devant l’histoire.

Monsieur Bah ce jour-là, à l’image de Nelson Mandela, vous raconterez cette épreuve. Non pour vous glorifier, mais pour rappeler à la nation que la liberté a toujours un prix et que certains hommes acceptent de la payer afin que d’autres puissent, un jour, la vivre pleinement.

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