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« Se révolter ou périr » par Amadou Sadjo Barry, professeeur de philosophie

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Les populations guinéennes sont condamnées à prendre leur destin en main. Du moins, si elles veulent s’affranchir des chaînes de la souffrance resserrées par les dix années au pouvoir du RPG. La sortie de la misère ne se fera pas sans une conscience commune de la criminalité politique érigée en mode de gouvernance par Alpha Condé, ses ministres et conseillers.

Il est temps de nouer une solidarité de destin susceptible de devenir un levier insurrectionnel contre un gouvernement qui a transformé le pays en un lieu inhospitalier à l’humanité de l’homme, un lieu où ne résonne plus le sens d’être humain, où le désir tyrannique de ceux qui exercent le pouvoir a congédié toutes les considérations éthiques liées de la vie commune. L’heure devait être à l’interrogation sans complaisance sur notre condition humaine : de Kaloum, en passant par Dixin, Matam, Dubréka, Kindia, Mamou, Labé, jusqu’à N’Zérékoré, nous devons comprendre que ce qui est en jeu n’est rien d’autre que la défense d’une dignité commune mise en cause par un gouvernement rompu à la bêtise politique et usé par sa propre médiocrité.

Nous devons apporter une réponse politique à cette condition de sous-hommes dans laquelle le RPG et Alpha Condé nous a réduits. Celle-ci doit prendre la forme d’une mobilisation intellectuelle et militante afin d’opposer à la tyrannie du pouvoir notre besoin d’être reconnu comme des êtres de dignité. Il serait dommage en ce sens que la contestation se limite au niveau de ce qu’on appelle L’Axe. Les visages de l’injustifiable et de notre dégradante condition se montrent partout dans les communes de Conakry, à commencer par Kaloum. Les populations de Kaloum, Dixin et Matam ne sont pas dans une situation d’exception en Guinée. Non : elles sont aussi enchainées par la misère et les pratiques autoritaires de la gouvernance.

En réalité, la légitime révolte des jeunes de l’Axe témoigne d’une volonté d’en découdre avec un pouvoir indigent qui a pris en otage l’ensemble du territoire guinéen. Sous le regard complice d’une armée dont le caractère républicain n’est que l’effet d’une illusion entretenue depuis de 1958. Nous risquons longtemps, très longtemps de demeurer dans les fers si nous n’arrivons à avoir une conscience commune de notre destin. L’Axe doit s’étendre à tout Conakry. Toute la Guinée devait être emportée par ce noble sentiment de révolte qui consiste non pas à piller ou saccager, mais à dire : « il y a une limite que vous ne dépasserez pas », « vous allez trop loin ». Comme peuple meurtri par soixante ans de violence politique et de répression militaire, nous tardons à brandir cette limite, à en avoir conscience.

Et pourtant, nous continuons de voir notre humanité niée, nos besoins ignorés, nos voix confisquées, nos vies dominées…nos femmes violées. Impunément ! Faut-il s’en remettre à Dieu ou apporter une réponse humaine à cette immorale condition dans laquelle le RPG et ses soutiens veulent nous contraindre à y demeurer ? En l’état actuel de notre misère, dans cette situation d’indigénat, il n’y a d’autres choix que d’en appeler à une révolte intellectuelle et militante. Donc, apporter une réponse humaine à notre condition d’homme. Cette réponse, elle doit venir aussi de la jeunesse de Kaloum, celle de Dixin, de Matam, pour que devant l’injustice et la violence politique la jeunesse guinéenne, comme un seul homme, brandisse sa dignité comme une limite à ne plus franchir.

La tâche des intellectuels et des journalistes, chacun selon ses moyens, est de jouer le rôle de veilleur, pour reprendre le philosophe camerounais Jean Marc Éla, afin de renforcer au niveau de la jeunesse la conscience de son injustifiable et inacceptable condition. Car si le peuple dort, c’est parce que, peut-être, les intellectuels, écrivains, artistes et journalistes, ont renoncé à leur vocation, celle de participer à l’éducation politique du peuple.

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